La saison des pontes est terminée pour cette année, il est maintenant l'heure du bilan.Cette nouvelle saison de ponte reste inquiétante.
En effet, une baisse de la fréquentation des femelles nidifiantes est constatée en Guyane.
La saison a étéparticulièrement mauvaise pour les tortues luths
de Yalimapo, avec un nombre de pontes
historiquement bas, qui laisse craindre une
extinction de cette population dans cette partie
de la région. Les tortues olivâtres s’en sortent
mieux, avec une légère augmentation par
rapport à la saison précédente. Quant aux
tortues vertes, les chiffres de la saison se
présentent inquiétants, leur présence étant en
diminution sur l’ensemble de la région. Ce bilan
peu réjouissant est la résultante d’une multitude
de pressions qui ne cessent de s’accumuler et de
peser sur ces animaux menacés.
Comme les saisons précédentes, le suivi des
pontes des tortues marines en Guyane a été
réalisé par les équipes de l’association Kwata à
l’Est, de la Réserve naturelle nationale de
l’Amana (RNA) à l’Ouest et de l’Office français
de la biodiversité (OFB) à Kourou.
Les tortues vertes ont inauguré la saison des
pontes 2024 en arrivant les premières en
Guyane, comme à l’accoutumée, sur les plages
de l’Ouest. Elles ont cependant été très discrètes
cette année, avec 919 pontes recensées à Awala-
Yalimapo. L’année dernière, 1 945 nids y avaient
été comptabilisés, soit une baisse de
fréquentation d’environ 50 % pour ce site cette
année. A l’Est, une baisse similaire a également
été observée, avec seulement 62 nids en 2024,
quand il en avait été comptabilisé 186 l’année
passée sur l’Ile de Cayenne. Des résultats en
berne donc, à nuancer toutefois puisque l’année
2023 avait été exceptionnellement
encourageante pour cette espèce, et que les
chiffres 2024 se rapprochent de ceux des années
antérieures. Le comportement des femelles
vertes nidifiantes en Guyane est très irrégulier
d’une saison à l’autre, ce qui explique ce bilan.
Malgré ces fortes fluctuations, cette saison reste
néanmoins peu encourageante pour cette
espèce, qui présente une tendance au déclin
depuis 15 ans.
Dans l’Ouest, la tortue luth se montre de plus
en plus rare. Et c’est peu dire, puisque seulement
39 nids ont été recensés cette saison sur
Yalimapo, autrefois connu pour être l’un des
sites qui concentrait le plus de nids de luths au
monde (jusqu’à 65 000 pontes en 1992). Quant à
l’Est, les chiffres se montrent également peu
enthousiasmants, avec 1 320 pontes en 2024
(1 609 en 2023). La situation de la tortue luth en
Guyane reste donc très préoccupante, malgré
l’augmentation du nombre de nids sur les sites
de l’Est entre 2020 et 2023 (voir graphique p. 2).
L’effondrement de la population de l’Ouest va
d’ailleurs induire une réévaluation de son statut
régional.
Le début de saison fut prometteur pour les
tortues olivâtres, qui a finalement abouti à une
faible amélioration par rapport aux résultats de
2023. En effet, les sites de l’Est, qui concentrent
99 % des pontes de la Guyane, ont accueilli 3 710
nids sur l’Ile de Cayenne (contre 3 613 recensées
l’an passé par les équipes de Kwata). Des
résultats néanmoins encourageants pour
l’espèce, qui avait connu une baisse drastique de
fréquentation il y a quelques années, où
seulement 1 293 nids avaient été comptabilisés
en 2020 sur l’ensemble du territoire guyanais.
Des suivis sur d’autres sites ont également eu
lieu, notamment sur Aztèque, Pointe Isère et
Caïman-muri à l’Ouest, qui comptabilisent 98
pontes de luths, 382 pontes de vertes et 26
pontes d’olivâtres. A Kourou, 8 nids de luths et 2
d’olivâtres ont été observés. De plus, 2 pontes
d’imbriquées ont été recensées à l’Est.
Tortue luth sur la plage des Salines
Crédit : V. Devaux | 2024
Saison 2024 : un bilan mitigé, qui laisse
planer des inquiétudes
Cayenne, 3 décembre 2024
Réseau Tortues Marines Guyane | Site web : www.tortuesmarinesguyane.com
Contact :
Coordination du réseau Communication et éducation à l’environnement
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Les chiffres préoccupants de cette saison sont
la résultante des multiples menaces qui
persistent encore sur le territoire. En effet, de
nombreuses pressions anthropiques sont encore
à déplorer.
L’effort de pêche de la pêche INN
étrangère représenterait entre 0,7 et 3 fois
l’effort de pêche local sur la période 2019 -2023,
selon le récent rapport de
l’Ifremer/WWF/CRPM*, qui reste le facteur
majeur de mortalité des tortues marines (dont la
tortue luth), notamment dans l’Ouest, via les
captures accidentelles.
Malgré les efforts déployés, la pollution
lumineuse a encore cette année provoqué de
nombreuses désorientations d’émergences. Sur
l’Ile de Cayenne, 1 009 d’entre elles ont pu être
sauvées par les équipes de Kwata. Toujours à
l’Est, 3 femelles olivâtres ont été attaquées
mortellement par des chiens divagants, et 4
autres ont été blessées. Les chiens ont
également déterré 13 nids.
Cette problématique des canidés persiste aussi
à l’Ouest, où 296 émergences ont pu être
sauvées par les gardes de la RNA après que leur
nid fut détruit par des chiens. Le braconnage a
augmenté par rapport à l’année passée, avec 73
nids braconnés en 2024. En début de saison, les
équipes de la RNA, avec l’aide de la police de
l’environnement de l’OFB et de la gendarmerie,
ont réussi à interpeller un braconnier, qui a
écopé d’un an ferme d’emprisonnement.
Enfin, le changement climatique représente une
menace de plus en plus inquiétante. Outre
l’effet déjà décrit sur la modification du sex
ratio, l’association Kwata a observé cette année
des effets de l’élévation de la température sur le
développement des œufs, engendrant un faible
taux de survie des émergences.
Les équipes des structures impliquées au sein du
Réseau Tortues Marines de Guyane (RTMG)
seront présentes la saison prochaine pour
continuer à assurer les suivis sur les côtes
guyanaises et à veiller sur nos totis